L’Impérialisme selon Lénine

Introduction

Introduisons certains concepts afin de mieux comprendre ce qui va être dit.

  • capitalisme prémonopoliste : capitalisme naissant, apportant un certain progrès à la société, basé sur la petite propriété, le libre échange…
  • Mode de production : c’est la manière dont l’homme obtient des biens matériels pour sa consommation personnelle et productive. Cela représente l’union des forces productives et des rapports de production. Les changements dans le mode de production produisent à leur tour des changements dans le système social. Le mode de production est la base du développement des forces productives et des rapports de production.
  • Forces productives : Il s’agit de l’ensemble formé par les moyens de production et les hommes employés à la production des biens matériels.
  • Les rapports de production : ce sont les rapports économiques établies entre les hommes dans le processus de production, de distribution, d’échange et de consommation de biens matériels. Ces rapports sont indépendantes de la volonté de l’homme et sont un élément essentiel de tous les modes de production.

Le passage du capitalisme prémonopoliste au capitalisme monopoliste ne pouvait avoir lieu que grâce au développement des forces productives et des rapports de production bourgeois. L’Impérialisme est la phase monopoliste du capitalisme; c’est la phase la plus élevée et la dernière du capitalisme. Le passage du capitalisme prémonopoliste à l’Impérialisme se distingue clairement par le passage de la libre concurrence totale à la domination des monopoles.

Nous sommes confrontés au capitalisme dans sa dernière phase, en décomposition: les forces productives sont limitées par les rapports sociaux de production capitalistes. Seule la destruction du capitalisme permettra le développement des forces productives dans un mode de production nouveau et plus avancé: le socialisme.

Pour approfondir la définition de ce qu’est l’impérialisme, nous partirons 5 caractéristiques exposées par Lénine :

1. Concentration de la production et du capital parvenue à un degré de développement si
élevé qu’elle a créé les monopoles, dont le rôle est décisif dans la vie économique ;

2. Fusion du capital bancaire et du capital industriel, et création, sur la base de ce « capital
financier », d’une oligarchie financière ;

3. L’exportation des capitaux, à la différence de l’exportation des marchandises, prend une
importance toute particulière ;

4. Formation d’unions internationales monopolistes de capitalistes se partageant le monde,

5. Fin du partage territorial du globe entre les plus grandes puissances capitalistes.

L’impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s’est affirmée la
domination des monopoles et du capital financier, où l’exportation des capitaux a acquis
une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts
internationaux et où s’est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus
grands pays capitalistes.

V. I. Lénine, L’Impérialisme, stade suprême du Capitalisme.

Développons désormais chacune des caractéristiques exposées par Lénine pour voir, rapidement, qu’est-ce qu’elles impliquent.

Premier Caractère : La concentration de la production et apparition des monopoles

A partir du développement de la libre concurrence par l’action de la loi de concentration et de centralisation du capital, caractéristique de la phase prémonopoliste du capitalisme, se produit l’absorption de certaines entreprises par des entreprises plus fortes. Avec ces absorptions, une concentration du capital entre de moins en moins de mains s’opère progressivement: la libre concurrence conduit certains capitalistes à faire faillite tandis que d’autres avec plus de capacités s’enrichissent, concentrant de plus en plus de capitaux.

Une telle accumulation de capital et la concentration de la production provoquent inévitablement l’émergence d’un monopole, d’une grande corporation capitaliste. Les grandes entreprises résultant de cette concentration et de cette accumulation de capital ont besoin d’énormes profits pour pouvoir continuer à concurrencer les autres grandes entreprises existantes.

Deuxième Caractère : le nouveau rôle des banques ; Capital Financier

Avec le développement du capitalisme, les banques se sont également concentrées, elles sont devenues à leur tour monopolistes et contrôlent les revenus en espèces de toute la classe capitaliste et l’épargne des autres couches de la population. Indépendamment des lois et des caractéristiques de chaque pays monopoliste, les banques accentuent et accélèrent le processus d’accumulation de capital et de création de monopoles. Les banques occupent donc une place privilégiée, pouvant contrôler les capitalistes industriels, entre autres, avec les informations détaillées qu’elles en obtiennent ou en leur accordant des crédits. Ils cessent d’être de simples intermédiaires: le capital industriel devient dépendant des grandes banques.

Les capitalistes bancaires commencent à devenir copropriétaires d’entreprises industrielles en achetant des actions et en empruntant des capitaux; tout comme les capitalistes industriels commencent à acheter des actions dans les banques. En raison de ce processus historique, un nouveau capital apparaît, le capital financier, par la fusion du capital bancaire et industriel.

L’union du capital bancaire et industriel est scellée par l’union de ceux-ci avec le gouvernement. En effet, je crois qu’on a tous en tête de nombreux exemples d’individus ayant travaillé pour ce grand complexe financier industrialo-bancaire avant d’aller au gouvernement ou inversement. Des anciens membres du gouvernement qui, après leur carrière politique, ont fait de belles carrières dans le privé (Macron, Trump, Felipe Gonzalez avec Gaz Natural, Aznar avec Endesa ou encore Rodrigo Rato avec Bankia, Telefónica, Banco Lazard et Banco Santander).

À ce sujet Lénine disait :

Comment le capitalisme se concilie-t-il avec la démocratie ? Par la réalisa­tion indirecte, dans la pratique, de la toute-puissance du capital ! Il existe deux moyens économiques à cet effet : 1) la corruption directe ; 2) l’alliance du gouvernement avec la Bourse. (Pour exprimer cette vérité nos thèses portent qu’en régime bourgeois, le capital financier «achètera et corrompra librement tout gouvernement et ses fonctionnaires ».)

V. I. Lénine, Sur une caricature du marxisme et à propos de l’ « économisme impérialiste ».

Cette domination du capital financier entraîne la prédominance de ces capitalistes qui vivent des revenus du capital bancaire: les rentiers et l’oligarchie financière sur le reste des capitalistes.

Troisième Caractère : L’exportation des capitaux

Avec l’émergence de l’impérialisme, l’exportation du capital devient importante, contrairement à celle de la marchandise, qui était pratiquée et prédominait pendant le capitalisme prémonopoliste.

L’exportation du capital se fait dans l’intention d’augmenter la part des bénéfices des capitalistes. La production est délocalisée en investissant le capital «excédentaire» dans les pays sous-développés, où la main-d’œuvre est moins chère et où les capitalistes peuvent obtenir plus d’avantages. L’exportation de capitaux se fait principalement de deux manières: par le biais de prêts de capitaux, c’est-à-dire par l’octroi de prêts à des pays ou des banques d’autres pays, ou par le capital productif, qui consiste en la création d’entreprises industrielles en pays étrangers.

La situation monopolistique dans les pays développés conduit à l’accumulation du capital, qui au lieu d’être réparti entre les travailleurs pour améliorer leurs conditions de vie, est investi pour obtenir plus de bénéfices et ainsi perpétuer la misère des travailleurs. Ici, nous pouvons voir la putréfaction et l’esprit prédateur du capitalisme.

L’exportation de capitaux entraîne également l’imposition au pays sous-développé de l’achat de marchandises au pays investisseur, c’est-à-dire qu’elle permet au monopole d’imposer l’exportation de marchandises, provoquant, avec les intérêts usuraires élevés, le pillage et l’exploitation de ces derniers. Outre les conséquences pour ces pays sous-développés, l’exportation de capitaux a également des conséquences du côté des pays développés : la stagnation (voir pire) du développement industriel à l’intérieur de leurs frontières.

Après la Seconde Guerre mondiale, le processus d’exportation des capitaux des pays impérialistes s’est accentué, avec une augmentation quantitative très importante.

Quatrième Caractère : Partage du monde entre unions monopolistes capitalistes

Dans le processus de développement du capitalisme, d’accumulation ou de concentration du capital et d’émergence d’associations monopolistiques, il arrive un moment où ils entreprennent de contrôler le marché intérieur afin de dominer la production du pays auquel ils appartiennent.

Les marchés internes et externes sont liés, car il existe actuellement et depuis longtemps un marché mondial: à travers lui, les associations de monopole constituent des associations internationales via des accords entre elles. Les figures des monopoles et supermonopoles internationaux (des grandes corporations multinationales) sont constituées et se répartissent entre elles des sphères d’influence dans le monde. Ces associations internationales de monopole sont des accords entre les plus grands monopoles de différents pays sur la répartition des marchés, la politique des prix et le volume de production. Mais ces accords internationaux, cette division du monde par des associations de monopole, ne sont pas éternels, puisqu’ils peuvent changer par des crises économiques ou par des guerres.

Cinquième Caractère : Partage du monde entre grandes puissances

Le monde est divisé, distribué, entre pays impérialistes: l’impérialisme ne peut pas se propager à travers des territoires vierges, c’est-à-dire à travers des territoires non contrôlés par un autre pays impérialiste. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que cette distribution ne peut changer, bien au contraire: il est inévitable que de nouvelles distributions se produisent et cela se fera par la guerre et la violence. Les États impérialistes, représentant chacun les intérêts de leurs oligarchies financières respectives, ont des contradictions entre eux, ils ont des intérêts contradictoires, chacun voudra grandir au dépend de l’autre, afin de maximiser leurs profits. Cela peut conduire à des conflits localisés provoqués par des ingérences étrangères (comme par exemple les conflits durant la Guerre Froide ou la Guerre Civile Syrienne actuellement avec l’impérialisme américain et russe), mais également à des guerres mondiales totales (commes celles que nous avons connues durant la première moitiée du XX siècle).

Dans ce cadre, le colonialisme était la formule utilisée par les impérialistes pour résoudre les problèmes de débouché optimal pour l’exportation de marchandises. Avec l’occupation militaire qui garantissait le contrôle du pays sous-développé, les monopoles se procuraient une source de matières premières bon marché, obtenues grâce au pillage et à l’exploitation des travailleurs du pays dominé.

Après la Seconde Guerre Mondiale, la grande majorité des colonies cessa de l’être et l’impérialisme dut officiellement s’adapter à une époque d’avancée des forces révolutionnaires. Le capital fut forcé de s’adapter, de changer, et il l’a fait à travers le néocolonialisme, qui est devenu prédominant, et ceux même après les processus dit de libération nationale, dans lesquels le peuple a été libéré de l’oppression coloniale pour retomber dans la même domination, quoique menée avec une enveloppe différente, celle du néocolonialisme.

Loi économique fondamentale de l’Impérialisme : Loi du Profit Maximum

Maintenant que nous avons développé les caractéristiques de l’Impérialisme, développons ses lois.

Comme cela a déjà été développé précédemment, l’impérialisme est le passage de la libre concurrence à la domination du monopole, qui vise à obtenir le profit maximum, qui dépasse le profit moyen que les capitalistes avaient durant le capitalisme prémonopoliste.

La loi économique fondamentale du capitalisme (la loi de la plus-value) se développe au stade de l’impérialisme. Dans le capitalisme prémonopoliste, en raison de la libre concurrence, les parts de profit ont été nivelées; mais pendant l’impérialisme ils ne le sont plus, les monopoles s’approprient le profit maximum. C’est le moteur du capitalisme monopoliste.

Le profit maximum des monopoles, comme tout profit dans le mode de production capitaliste, est extrait de la plus-value des ouvriers; Mais au stade impérialiste, cette extraction de plus-value augmente à un degré extrême et l’exploitation du prolétariat et sa paupérisation s’accentuent.

Pour obtenir un profit maximum les capitalistes peuvent : accroître l’exploitation faites aux travailleurs en s’appuyant sur l’internationalisation de la production; l’assujettissement et le pillage des pays économiquement arriérés dépendants des monopoles des pays impérialistes, en particulier des investissements en capital dans les colonies et semi-colonies; et enfin les guerres et la militarisation de l’économie.

Afin de garantir ce profit maximum, on peut observer plus généralement une baisse du salaire réel, une hausse des prix des produits de première nécessité, une plus forte charge fiscale, etc.

La Loi de l’inégalité du développement économique et politique

Sous le capitalisme, il n’y a pas de développement égal des entreprises ou des succursales d’un même pays: la concurrence et l’anarchie de la production provoquent un développement inégal de l’économie capitaliste. Dans le capitalisme prémonopoliste, en raison de la libre concurrence et donc de l’inexistence de monopoles, certains pays étaient en avance sur d’autres pendant de longues périodes; Mais le passage à l’étape monopoliste signifie que les pays où le capitalisme s’était développé tardivement peut rattraper et surpasser, d’un bond, les pays où il s’était établi auparavant (la Chine est un bon exemple de tout cela).

Certaines des causes de ces sauts sont le développement de la technologie, qui a permis à ces pays de surpasser les anciennes puissances; l’exportation de capitaux, qui a provoqué le déplacement des anciennes puissances sur les marchés mondiaux; etc.

Cette inégalité de développement économique conduit implicitement à une inégalité de développement politique dans les différents pays. Partant de cette loi, Lénine a théorisé la loi de la révolution prolétarienne et a conclu que la révolution socialiste pouvait triompher dans un seul pays et que le succès simultané de la révolution dans tous ou la plupart des pays avancés était impossible.

Conclusion : L’Impérialisme, un capitalisme agonisant

La loi du profit maximum provoque un plus grand approfondissement des contradictions du capitalisme, le portant à ses dernières limites, ce qui aboutit inévitablement à la révolution. De plus, la domination des monopoles accentue de manière extrême la contradiction fondamentale du capitalisme et le caractère social de la production vis-à-vis de la propriété privée des moyens de production.

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