Le Boycott des Elections

(Après avoir publié une vidéo à ce sujet, avant le premier tour des présidentielles, nous nous sommes dit qu’il serait intéressant de publier l’écrit de ladite vidéo)

À la télé, à la radio et dans la plupart des médias, le vote fait l’unanimité, l’abstention est soumise à une condamnation morale implacable. Les abstentionnistes sont mal considérés, on les prend pour des incultes, on les prend pour des ignorants, tellement ignorants qu’ils ignoreraient même leur propre citoyenneté. Les politiciens, qui n’ont cessé de combattre la conscientisation des masses, l’organisation de celles-ci à travers leurs organisations de masses, à travers leurs syndicats, s’étonnent désormais de leur soi-disant désintérêt vis-à-vis de la politique. Voilà une bien belle hypocrisie. Aujourd’hui, le vote fait partie de l’idéologie bourgeoise, il fait partie des constructions idéologiques de la bourgeoisie qui permettent de justifier sa position inique, l’exploitation qu’elle impose aux larges couches populaires via l’État bourgeois qui n’est rien d’autre que son outil. Ainsi a-t-on vu durant la crise des gilets jaunes nombre de propagandistes de la bourgeoisie expliquer que cette ignoble jacquerie n’avait pas lieu d’être puisqu’en France nous avons le droit de vote. 

Il faut dire aussi que la gauche et parfois même certains “communistes” participent de ce discours bourgeois mensonger. Ces organisations font des élections leur principale activité, faisant même planer à leur large électorat, qui ne cesse de diminuer, l’espoir d’un changement dans le sens des intérêts du camp du travail grâce aux élections. À travers cette mystification, la gauche bourgeoise ne fait que casser encore plus la conscience des masses. Elle éloigne la perspective d’une rupture réelle, révolutionnaire, avec ce système décadent qui anéanti pas à pas tous les conquis sociaux de la classe ouvrière, organisée à l’époque au sein du Parti Communiste Français et guidée par la ligne marxiste-léniniste.

Certains mystificateurs justifient leur électoralisme, leur réformisme, par des analyses censément plus adaptées aux temps modernes que le vieux marxisme-léninisme  qui serait “dogmatique” “passéiste” et “non adapté aux réalités françaises”. Ces analyses n’ont en réalité rien de moderne, il ne s’agit que d’une énième réédition de vieilles théories pseudo-marxistes déjà connues dès le XIX siècle avec les Bernstein et consort. Malheureusement, ce virus pseudo-marxiste gangrènait le Parti Communiste Français historique dès l’air thorézienne avec la croyance en une prise de pouvoir et une transition vers le Socialisme par des méthodes parlementaires, en transformant l’Assemblée nationale en “instrument de la volonté populaire” et ce malgré les nombreux rappels à l’ordre de la part du Komintern puis du Kominform. Face à ces vieilles idées réformistes, au mieux utopiques, au pire collaborationnistes,  Lénine apporta une réponse sans ambiguïté possible :

Seuls des misérables ou des benêts peuvent croire que le prolétariat doit d’abord conquérir la majorité en participant aux élections organisées sous le joug de la bourgeoisie, sous le joug de l’esclavage salarié, et après seulement conquérir le pouvoir. C’est le comble de la stupidité ou de l’hypocrisie, c’est substituer à la lutte de classes et à la révolution des votes sous l’ancien régime, sous l’ancien pouvoir.”

Lénine, V., Salut aux communistes italiens, français, allemands, Tome 30 des Oeuvres de Vladimir Lénine, 10 Octobre 1919.

Il ne faut donc pas participer aux élections ? Nous devons les ignorer ? La réponse est bien évidemment non, les élections en société capitaliste ont leur utilité, mais ne sont pas indispensables.

Comme l’expliquait Lénine :

Les crétins parlementaires et les Louis Blanc modernes «exigent» à tout prix un vote, un vote organisé à tout prix par la bourgeoisie, pour déterminer la sympathie de la majorité des travailleurs. Mais c’est là un point de vue de pédants, de cadavres ou d’habiles trompeurs. La vie réelle, l’histoire des véritables révolutions montrent que très souvent la «sympathie de la majorité des travailleurs» ne peut être démontrée par aucun vote (à plus forte raison quand il s’agit de votes organisés par les exploiteurs, avec «égalité» de l’exploiteur et de l’exploité !). Très souvent «la sympathie de la majorité des travailleurs» est démontrée, de façon générale, non par des votes, mais par la croissance d’un des partis, ou par l’accroissement du nombre de ses membres dans les Soviets, ou par le succès d’une grève qui, pour une raison quelconque, a revêtu une très grande importance, ou par un succès de guerre civile, etc., etc […] La révolution prolétarienne est impossible sans la sympathie et le soutien de l’immense majorité des travailleurs pour leur avant-garde : le prolétariat. Mais cette sympathie, ce soutien ne se gagnent pas d’emblée, ne se décident pas par des votes; on les conquiert au prix d’une lutte de classe difficile, dure, de longue haleine.

Lénine, V., Salut aux communistes italiens, français, allemands, Tome 30 des Oeuvres de Vladimir Lénine, 10 Octobre 1919.

Les élections sont un moyen de mesurer le niveau de conscience des travailleurs à un moment donné, c’est tout. D’ailleurs, Lénine le rappelle, elles ne sont souvent même pas pertinentes afin de mesurer le soutien du peuple à tel ou tel politique, comme le prouve par ailleurs la période électorale en cours où un des présidents les plus haï de la V République est sur le point de se faire réélire. Décider de manière périodique quel bourgeois aura le privilège d’opprimer le reste du peuple, voilà la réalité du parlementarisme bourgeois et cela indépendamment du régime politique en place, tant que le capitalisme est maintenu.

Ceci étant dit nous ne pouvons omettre de parler de certains éléments s’autoproclamant progressistes, parfois même révolutionnaires, qui sous couvert d’une phraséologie anarchisante se refuse de participer à n’importe quelles élections considérant que toute participation à une élection signifierait de fait, indépendamment du contexte, une forme de collaboration avec le système capitaliste. Ces individus, dont certains se réclament même du léninisme, n’ont visiblement rien compris aux formules et aux références qu’ils aiment employer. Ils ne savent pas que les différents types de luttes, à savoir légales et clandestines doivent se combiner. Là où les réformistes bourgeois ne voient que l’aspect légal des luttes, les anarchisants, eux, ne voient que l’aspect illégal, clandestin, et se condamnent ainsi à la même inefficacité. Pour eux, afin de changer la société, foutre le bordel dans une manifestation, en pillant tel ou tel établissement, faire la guérilla pendant 150 ans dans la Creuse ou la jungle guyanaise serait amplement suffisant. Tout ceci ne fait que révéler un infantilisme politique crasse.

Il en résulterait déjà sans le moindre doute que le parlementarisme n’a pas encore fait son temps politiquement, que la participation aux élections parlementaires et aux luttes parlementaires est obligatoire pour le parti du prolétariat révolutionnaire. Précisément afin d’éduquer les couches retardataires de sa classe. Tant que vous n’avez pas la force de dissoudre le parlement bourgeois et toutes les autres institutions réactionnaires, vous êtes tenus de travailler dans ces institutions. Autrement vous risquez de n’être plus que des bavards.

Lénine, V., Maladie Infantile du communisme.

Après avoir dit tout ceci, certains se demanderont à juste titre que faire par conséquent aujourd’hui en 2022, qu’est-ce que nous considérons que doit faire toute organisation franchement progressiste.

Eh bien s’il est clair qu’un Parti authentiquement révolutionnaire, transformateur, se doit de participer aux élections, même face aux candidats les plus pourris et les plus réactionnaires, il est bien obligé, dans des circonstances bien précises, d’appeler à la non participation, au boycott du cirque électoral. Cependant, cela ne doit se faire que lors de circonstances bien précises : lorsque l’élection n’est qu’une “diversion” dans un moment d’essor révolutionnaire (par exemple durant le boycott des bolcheviks en 1905), lorsque l’élection sert à renforcer ou légitimer l’État bourgeois à des moments d’aggravation de la crise ou encore lorsqu’il n’y a malheureusement pas de parti suffisamment développé pour pouvoir mener à bien ce travail électoral sans absorber l’essentiel de ses capacités. La lutte électorale dans ces conditions épuiserait le Parti, l’empêcherait d’accumuler des forces, de sorte que son développement se verrait affecté sans même avoir pu sensibiliser les masses via le processus électoral. Vouloir participer à une élection, donner l’illusion comme quoi cette participation aurait une utilité alors que factuellement les capacités pour y faire un travail utile sont inexistantes, ne fait que révéler d’un même infantilisme politique, d’une même absence de raison, que ceux qui appellent à braquer des banques pendant une soit-disante Guerre Populaire Prolongée de 70 ans.

Dans ces conditions, actuellement, pour les élections présidentielles de 2022, au vue des circonstances, avec un système en perte accrue de légitimité, un contexte de fortes tensions sociales et enfin l’absence d’un Parti d’Avant-Garde ou Front capable de sincèrement porter la voix des travailleurs, des français, le Boycott devient un devoir pour toute personne désireuse d’apporter un réel avenir à notre pays, désireuse de montrer son rejet face à un système qui met toujours les mêmes, avec la même politique, à la tête du pays.

Aucun Parti n’est en position de porter la voix des travailleurs. Ni la France Insoumise, ce parti réformiste bourgeois à la diatribe interclassiste préconisant la dite révolution citoyenne, qui après avoir rejetée la notion de vote utile s’en réclame maintenant sans tenir compte des aspirations légitimes de chaque partis, ni les faux communistes du PCF qui, tout commes leurs frères jumeaux de la LFI, sont proches du PCE, membre d’un gouvernement — le gouvernement espagnol — qui réprime les travailleurs en lutte à coup de blindés et légifère main dans la main avec le CEOE, l’équivalent espagnol du MEDEF. L’un comme l’autre, au pouvoir, agiraient comme leurs compagnons espagnols ou grecs, ils trahiraient les aspirations des travailleurs et écraseraient leur combativité tout en se soumettant à la finance et au capital pour finalement appliquer la même politique avec seulement un maquillage différent. La politique de LO et du NPA ne peux non plus être défendu comme étant une politique sérieuse de transformation sociale, ce n’est pas en se présentant et représentant aux élections tous les 5 ans pendant des décennies en attendant que spontanément les gens se bougent que l’on obtient quelque chose, pire encore quand, avec leurs prises de positions idéalistes, et postmodernes pour le cas du NPA, ils participent à l’anticommunisme en faisant passer le mouvement communiste, marxiste, pour un mouvement de rêveurs utopiques complètement déconnectés de la réalité si ce n’est complètement dégénérés.

Dans les circonstances actuelles, seul un boycott actif, militant, peut avoir une certaine utilité, afin de préparer le terrain pour les luttes à venir.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :